Documents pastoraux 2014-2015

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Le Notre Père dans les Évangiles

Le « Notre Père » se retrouve dans deux Évangiles :

• Chez Saint Matthieu au chapitre 6, verset 7 à 13 (Mt 6, 7-13)
Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. Ne les imitez donc pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé. Vous donc, priez ainsi :
Notre Père, qui es aux cieux,
que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne,
que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel.
Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour.
Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation,
mais délivre-nous du Mal.

• Chez Saint Luc au chapitre 11, verset 1 à 4 (Lc 11, 1-4)
Il arriva que Jésus, en un certain lieu, était en prière. Quand il eut terminé, un de ses disciples lui demanda : « Seigneur, apprends-nous à prier, comme Jean le Baptiste, lui aussi, l’a appris à ses disciples ». Il leur répondit : « Quand vous priez, dites :
Père, que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne.
Donne-nous le pain dont nous avons besoin pour chaque jour.
Pardonne-nous nos péchés, car nous-mêmes, nous pardonnons aussi à tous ceux qui nous ont des torts envers nous.
Et ne nous laisse pas entrer en tentation. »

(Traduction AELF)

Commentaire du catéchisme

  1. « Donne-nous » : elle est belle la confiance des enfants qui attendent tout de leur Père. « Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et sur les injustes » (Mt 5, 45) et il donne à tous les vivants « en son temps leur nourriture » (Ps 104, 27). Jésus nous apprend cette demande : elle glorifie en effet notre Père parce qu’elle reconnaît combien il est Bon au-delà de toute bonté.
  2. « Donne-nous«  est encore l’expression de l’Alliance : nous sommes à Lui et il est à nous, pour nous. Mais ce « nous » le reconnaît aussi comme le Père de tous les hommes et nous le prions pour eux tous, en solidarité avec leurs besoins et leurs souffrances.
  3. « Notre pain« . Le Père, qui nous donne la vie, ne peut pas ne pas nous donner la nourriture nécessaire à la vie, tous les biens « convenables », matériels et spirituels. Dans le Sermon sur la montagne, Jésus insiste sur cette confiance filiale qui coopère à la Providence de notre Père (cf. Mt 6, 25-34). Il ne nous engage à aucune passivité (cf. 2 Th 3, 6-13) mais veut nous libérer de toute inquiétude entretenue et de toute préoccupation. Tel est l’abandon filial des enfants de Dieu :
    A ceux qui cherchent le Royaume et la justice de Dieu, il promet de donner tout par surcroît. Tout en effet appartient à Dieu : à celui qui possède Dieu, rien ne manque, si lui-même ne manque pas à Dieu (S. Cyprien, Dom. orat. 21 : PL 4, 534A).
  4. Mais la présence de ceux qui ont faim par manque de pain révèle une autre profondeur de cette demande. Le drame de la faim dans le monde appelle les chrétiens qui prient en vérité à une responsabilité effective envers leurs frères, tant dans leurs comportements personnels que dans leur solidarité avec la famille humaine. Cette demande de la Prière du Seigneur ne peut être isolée des paraboles du pauvre Lazare (cf. Lc 16, 19-31) et du jugement dernier (cf. Mt 25, 31-46).
  5. Comme le levain dans la pâte, la nouveauté du Royaume doit soulever la terre par l’Esprit du Christ (cf. AA 5). Elle doit se manifester par l’instauration de la justice dans les relations personnelles et sociales, économiques et internationales, sans jamais oublier qu’il n’y a pas de structure juste sans des humains qui veulent être justes.
  6. Il s’agit de « notre » pain, « un » pour « plusieurs« . La pauvreté des Béatitudes est la vertu du partage : elle appelle à communiquer et à partager les biens matériels et spirituels, non par contrainte mais par amour, pour que l’abondance des uns remédie aux besoins des autres (cf. 2 Co 8, 1-15).
  7. « Prie et travaille » (cf. S. Benoît, reg. 20 ; 48). « Priez comme si tout dépendait de Dieu et travaillez comme si tout dépendait de vous » (Attribué à Ignace de Loyola ; cf. Pierre de Ribadeneyra, Tractatus de modo gubernandi Sancti Ignatii 6, 14). Ayant fait notre travail, la nourriture reste un don de notre Père ; il est juste de la Lui demander et de Lui en rendre grâces pour cela même. C’est le sens de la bénédiction de la table dans une famille chrétienne.
  8. Cette demande, et la responsabilité qu’elle engage, valent encore pour une autre faim dont les hommes dépérissent : « L’homme ne vit pas seulement de pain mais de tout ce qui sort de la bouche de Dieu » (Dt 8, 3 ; Mt 4, 4), c’est-à-dire sa Parole et son Souffle. Les chrétiens doivent mobiliser tout leurs efforts pour « annoncer l’Evangile aux pauvres ». Il y a une faim sur la terre, « non pas une faim de pain ni une soif d’eau, mais d’entendre la Parole de Dieu » (Am 8, 11). C’est pourquoi le sens spécifiquement chrétien de cette quatrième demande concerne le Pain de Vie : la Parole de Dieu à accueillir dans la foi, le Corps du Christ reçu dans l’Eucharistie (cf. Jn 6, 26-58).
  9. « Aujourd’hui » est aussi une expression de confiance. Le Seigneur nous l’apprend (cf. Mt 6, 34 ; Ex 16, 19) ; notre présomption ne pouvait l’inventer. Puisqu’il s’agit surtout de sa Parole et du Corps de son Fils, cet « aujourd’hui » n’est pas seulement celui de notre temps mortel : il est l’Aujourd’hui de Dieu :
    Si tu reçois le pain chaque jour, chaque jour pour toi c’est aujourd’hui. Si le Christ est à toi aujourd’hui, tous les jours il ressuscite pour toi. Comment cela ? ‘Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui je t’engendre’ (Ps 2, 7). Aujourd’hui, c’est-à-dire : quand le Christ ressuscite (S. Ambroise, sacr. 5, 26 : PL 16, 453A).
  10. « De ce jour« . Ce mot, épiousios, n’a pas d’autre emploi dans le Nouveau Testament. Pris dans un sens temporel, il est une reprise pédagogique de « aujourd’hui » (cf. Ex 16, 19-21) pour nous confirmer dans une confiance « sans réserve ». Pris au sens qualitatif, il signifie le nécessaire à la vie, et plus largement tout bien suffisant pour la subsistance (cf. 1 Tm 6, 8). Pris à la lettre (épiousios: « sur-essentiel »), il désigne directement le Pain de Vie, le Corps du Christ, « remède d’immortalité » (S. Ignace d’Antioche) sans lequel nous n’avons pas la Vie en nous (cf. Jn 6, 53-56). Enfin, lié au précédent, le sens céleste est évident : « ce Jour » est celui du Seigneur, celui du Festin du Royaume, anticipé dans l’Eucharistie qui est déjà l’avant-goût du Royaume qui vient. C’est pourquoi il convient que la Liturgie eucharistique soit célébrée « chaque jour ».
    L’Eucharistie est notre pain quotidien. La vertu propre à ce divin aliment est une force d’union : elle nous unit au Corps du Sauveur et fait de nous ses membres afin que nous devenions ce que nous recevons … Ce pain quotidien est encore dans les lectures que vous entendez chaque jour à l’Église, dans les hymnes que l’on chante et que vous chantez. Tout cela est nécessaire à notre pèlerinage (S. Augustin, serm. 57, 7, 7 : PL 38, 389).
    Le Père du ciel nous exhorte à demander comme des enfants du ciel, le Pain du ciel. (cf. Jn 6, 51). Le Christ « lui-même est le pain qui, semé dans la Vierge, levé dans la chair, pétri dans la Passion, cuit dans la fournaise du sépulcre, mis en réserve dans l’Église, apporté aux autels, fournit chaque jour aux fidèles une nourriture céleste » (S. Pierre Chrysologue, serm. 71 : PL 52, 402D).

Lutte contre le gaspillage. Pape François

Texte du message-vidéo pour la campagne contre la faim dans le monde lancée par la Caritas internationalis. 10 décembre 2013

 

Chers frères, chères sœurs,

Je suis heureux de vous annoncer aujourd’hui le lancement de la « Campagne contre la faim dans le monde » lancée par notre Caritas Internationalis et de vous communiquer que j’entends y apporter mon plein soutien.

Cette confédération, avec l’ensemble de ses 164 organisations membres, est active dans 200 pays et territoires du monde et leur travail est au cœur de la mission de l’Église et de son attention envers tous ceux qui souffrent à cause du scandale de la faim, et avec lesquels le Seigneur s’est identifié lorsqu’il disait : « J’avais faim et vous m’avez donné à manger ». Quand les apôtres dirent à Jésus que les personnes qui étaient venues écouter ses paroles avaient également faim, Il les incita à aller chercher de la nourriture. Étant eux-mêmes pauvres, ils ne trouvèrent rien d’autre que cinq pains et deux poissons, mais avec la grâce de Dieu ils parvinrent à rassasier une multitude de personnes, recueillant même les restes et réussissant ainsi à éviter tout gaspillage.

Nous nous trouvons face au scandale mondial d’environ un milliard, un milliard de personnes qui aujourd’hui encore, souffrent de la faim. Nous ne pouvons pas détourner notre regard et faire semblant que ce problème n’existe pas. La nourriture disponible dans le monde suffirait à rassasier tous. La parabole de la multiplication des pains et des poissons nous enseigne précisément cela: si la volonté existe, ce que nous avons ne s’épuise pas, mais il en reste même encore et rien n’est pas perdu.

Ainsi, chers frères, chères sœurs, je vous invite à ouvrir votre cœur à cette urgence, en respectant le droit donné par Dieu à tous d’avoir accès à une alimentation adéquate. Partageons ce que nous avons dans la charité chrétienne avec ceux qui sont contraints d’affronter de nombreux obstacles pour satisfaire un besoin aussi fondamental et dans le même temps, devenons les promoteurs d’une authentique coopération avec les pauvres, afin qu’à travers les fruits de leur travail et du nôtre, ils puissent vivre une vie digne.

J’invite toutes les institutions du monde, toute l’Église et chacun de nous, comme une seule famille humaine, à nous faire l’écho des personnes qui souffrent en silence de la faim, afin que cet écho devienne un rugissement capable de secouer le monde.

Cette campagne se veut aussi une invitation pour nous tous à devenir plus conscients de nos choix alimentaires, qui souvent comportent le gaspillage d’aliments et une mauvaise utilisation des ressources à notre disposition. C’est aussi une exhortation à arrêter de penser que nos actions quotidiennes n’ont pas d’impact sur les vies de ceux — qu’ils soient proches ou lointains — qui souffrent en personne de la faim.

Je vous demande, de tout mon cœur, de soutenir notre Caritas dans cette noble campagne, pour agir comme une seule famille engagée à garantir la nourriture pour tous.

Prions pour que Dieu nous donne la grâce de voir un monde dans lequel personne ne doive plus jamais mourir de faim. Et tout en demandant cette grâce, je vous donne ma bénédiction.

Message pour la journée mondiale de l’alimentation. 16 octobre 2013

 

La Journée Mondiale de l’Alimentation nous amène face à l’un des défis les plus sérieux pour l’humanité : celui de la condition de vie tragique dans laquelle vivent encore des millions d’affamés et de sous-alimentés, parmi lesquels beaucoup d’enfants. Cette journée assume une majeure gravité à une époque caractérisée par un progrès sans précédent dans les différents domaines de la science et d’une possibilité de communication croissante.

C’est un scandale qu’existent encore la faim et la malnutrition dans le monde ! Il ne s’agit pas seulement de répondre à des urgences immédiates mais d’affronter ensemble, à tous les niveaux, un problème qui interpelle notre conscience personnelle et sociale pour atteindre une solution juste et durable. Personne ne devrait être obligé de quitter sa propre terre et son propre contexte culturel à cause d’un manque de moyens essentiels à la subsistance ! Paradoxalement, à une époque dans laquelle la globalisation permet de connaître les situations de besoin dans le monde et de multiplier les échanges et les rapports humains, il semble que croît la tendance à l’individualisme et au repli sur soi-même qui engendre un certain comportement d’indifférence − au niveau personnel, des Institutions et de l’État − vers celui qui meurt de faim ou qui souffre de dénutrition comme si cela était inéluctable. Mais la faim et la sous-alimentation ne peuvent jamais être considérés un fait normal auquel on devrait s’habituer comme si cela faisait partie du système. Quelque chose doit changer en nous, dans notre mentalité, dans notre société.

Que pouvons-nous faire ? Je pense qu’une étape importante serait d’abattre avec décision les barrières de l’individualisme, du repli sur soi-même, de l’esclavage du profit à tous les coûts et ceci pas seulement dans les dynamiques des relations humaines mais aussi dans les dynamiques économico-financières globales. Aujourd’hui plus que jamais je pense qu’il est nécessaire de nous éduquer à la solidarité, de redécouvrir la valeur et la signification de cette parole aussi incommode et souvent tenue à l’écart et faire qu’elle devienne un comportement de fond dans les choix au niveau politique, économique et financier, dans les rapports entre les personnes, entre les peuples et entre les nations. C’est seulement si nous sommes solidaires de façon concrète, en dépassant les visions égoïstes et les partis pris, que l’objectif d’éliminer les formes d’indigence déterminées par le manque de nourriture pourra finalement être également atteint. Une solidarité qui ne se réduit pas aux différentes formes d’assistance mais qui œuvre pour assurer qu’un nombre toujours plus grand de personnes puissent être économiquement indépendants. Tellement d’efforts ont été faits, dans plusieurs Pays mais nous sommes encore loin d’un monde où chacun peut vivre dans la dignité.

Le thème choisi par la FAO pour la célébration de cette année parle de  » systèmes alimentaires durables au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition ». Il me semble de vous lire une invitation à repenser et à rénover nos systèmes alimentaires, dans une perspective solidaire, en dépassant la logique de l’exploitation sauvage de la création et en orientant au mieux notre engagement de cultiver et de garder l’environnement et ses ressources afin de garantir la sécurité alimentaire et pour se mettre en route vers une nutrition suffisante et saine pour tous. Ceci comporte une sérieuse interrogation sur la nécessité de modifier concrètement nos styles de vie y compris alimentaires qui dans tant de zones de la planète sont marqués par la consommation, le gaspillage et le gâchis d’aliments. Les données fournies sur ce sujet par la FAO indiquent que plus ou moins un tiers de la production alimentaire mondiale est indisponible à cause de pertes et de gaspillages toujours plus vastes. Il suffirait de les éliminer pour réduire de façon drastique le nombre d’affamés. Nos parents nous enseignaient la valeur de ce que nous recevons et de ce que nous avons, considéré comme un don précieux de Dieu.

Mais le gaspillage d’aliments est seulement un des fruits de cette « culture du rebut » qui amène souvent à sacrifier des hommes et des femmes aux idoles du profit et de la consommation ; un triste signal de cette « globalisation de l’indifférence » qui nous « habitue» lentement à la souffrance de l’autre comme si cela était normal. Le défi de la faim et de la sous-alimentation n’a pas seulement une dimension économique ou scientifique qui concerne les aspects quantitatifs et qualitatifs de la filière alimentaire mais a aussi et surtout une dimension éthique et anthropologique. Nous éduquer à la solidarité signifie donc nous éduquer à l’humanité : édifier une société qui soit véritablement humaine veut dire mettre toujours au centre la personne et sa dignité et ne jamais la brader à la logique du profit. L’être humain et sa dignité sont « des pilastres sur lesquels construire des règles partagées et structurées qui, dépassant le pragmatisme ou la seule donnée technique, soient capables d’éliminer les divisions et de combler les décalages existants. (Cf. Discours aux participants de la 38°session de la FAO, 20 juin 2013).

Nous sommes à la veille de l’Année internationale qui sur initiative de la FAO sera dédiée à la famille rurale. Ce fait m’offre l’opportunité de proposer un troisième élément de réflexion : l’éducation à la solidarité et à un style de vie qui dépasse « la culture de l’élimination » et met réellement au centre chaque personne ainsi que sa dignité comme partie de la famille. De cette première communauté éducative nous apprenons à prendre soin de l’autre, du bien de l’autre, à aimer l’harmonie de la création et à profiter et partager ses fruits en favorisant une consommation rationnelle, équilibrée et de développement durable. Soutenir et protéger la famille afin d’éduquer à la solidarité et au respect est une étape importante pour se mettre en route vers une société plus équitable et humaine.

L’Église catholique parcourt ces chemins avec vous, consciente que la charité, l’amour sont l’âme de sa mission. Que la célébration d’aujourd’hui ne soit pas simplement une commémoration annuelle mais une véritable occasion pour nous provoquer nous-mêmes et provoquer les Institutions à œuvrer selon une culture de rencontre et de solidarité, pour donner des réponses adéquates au problème de la faim et de la sous-alimentation et aux autres problématiques qui concernent la dignité de chaque être humain.

En formulant, Monsieur le Directeur Général, mon souhait le plus cordial pour que ce travail de la FAO soit toujours plus efficace, je vous invoque à vous et à tous ceux qui collaborent à cette mission fondamentale la Bénédiction du Dieu tout-puissant.